Le projet-cadre de Cabrera
Les problématiques et les enjeux scientifiques
La phase 1
Le projet d’intervention pour la Campagne 2021 de recherches et d’études préparatoires sur le site des prisonniers de l’île de Cabrera s’inscrit dans le cadre du projet pluriannuel 2019-2024 Isla Cabrera : l’île-prison des soldats de Napoléon, présenté dans un document joint au projet d’intervention 2021. Le projet 2021 en constitue la phase 2.
La phase 1, réalisée en 2019-2021, correspond au développement du projet global, dans ses aspects scientifiques et techniques (définition des problématiques scientifiques, recherches historiques et bibliographiques, composition des équipes, etc.), à sa mise en place en France, au premier repérage réalisé sur l’île de Cabrera en juillet 2020, au second repérage « administratif » réalisé en août 2021 à Palma de Majorque.
Nos interlocuteurs majorquins sont :
Mme Francisca Coll Borràs, directrice du Patrimoine du Conseil insulaire de Majorque (Consell de Mallorca)
Mme Francesca López Cortès, directrice du Parc national maritime et terrestre de l'archipel de Cabrera
M. Jaume Cardell, responsable du service de l'archéologie au sein de la direction du Patrimoine du Conseil de Majorque
M. David Martinez Pablo, de la section conservation et recherche du Parc national de Cabrera
Dr Mateu Riera Rullan, archéologue et professeur d’université
Isabelle Bes Hoghton, enseignante à l'université des Baléares.
D’une manière générale, le projet a été retardé par la pandémie de Covid-19.
Problématique générale
2021 marque le bicentenaire de la mort de Napoléon qui est commémoré en France. Le projet Isla Cabrera : l’île-prison des soldats de Napoléon propose dans ce cadre un focus inédit sur le Premier Empire et ses guerres, période courte mais cruciale de l’histoire européenne.
L’île de Cabrera, inhabitée et protégée, fut le théâtre d’une tragédie historique peu connue. Plus de 11 000 soldats impériaux – soldats napoléoniens Français, Belges, Suisses, Polonais ou Italiens –, en grande partie des prisonniers de la défaite de Baylen (Espagne, juillet 1808), y furent déportés en plusieurs convois, entre mai 1809 et mai 1814. Les deux tiers des prisonniers périrent (p. 9-27 du projet-cadre).
Le projet Isla Cabrera : l’île-prison des soldats de Napoléon constitue le dernier volet d’un triptyque archéologique original sur le soldat napoléonien : le camp, le champ de bataille et le lieu de captivité. Les camps du « camp de Boulogne », creuset de la Grande Armée, ont été fouillés de 2004 à 2014, et les champs de bataille de La Bérézina (Biélorussie) et Smolensk/Valutina Gora (Russie) en 2012 et 2019.
Le projet scientifique consiste à étudier le quotidien du soldat napoléonien par l’analyse des contextes et des objets archéologiques et des retours d’expérience transmis par les témoignages. Il s’agit d’étudier le fait guerrier et la condition du soldat en recourant au principe de consilience, c'est-à-dire de convergence des preuves.
Aujourd’hui, près d’une vingtaine de sites des campagnes militaires napoléoniennes sont documentés par l’archéologie. En France, les camps de formation de la Grande Armée ont fait l’objet de fouilles à grande échelle. Ces camps ont livré des milliers d’objets qui, constitués en corpus, révèlent de manière originale la culture matérielle des conscrits de 1805. En Europe et au Moyen-Orient, des fosses communes ou des sépultures individuelles de soldats ont été fouillées ou sont en cours d’étude par des chercheurs professionnels. Une cartographie des sites militaires napoléoniens montre des occurrences archéologiques à Waterloo, Aspern, Wagram, Vilnius, Smolensk, Saint-Jean-D’acre, Orthez. Des charniers de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de corps livrent des données nouvelles sur la mort au combat ou sur les maladies qui tuaient davantage.
De fait, toutes les campagnes napoléoniennes sont aujourd’hui documentées par des données archéologiques collectées selon des protocoles spécifiques. Croisées aux documents écrits ou iconographiques, ces données produisent une connaissance nouvelle sur le soldat et ses différentes conditions, du camp au combat ou à la captivité. Les artefacts issus des contextes de stationnement des troupes, constitués progressivement en corpus, révèlent la culture matérielle des militaires les plus modestes, et son étude délivre une image rare et complexe de leurs modes de vie, parfois perceptibles dans les témoignages.
Ainsi, avec les sources écrites, les témoignages en particulier, les artefacts replacent l’homme au cœur des débats trop longtemps centrés sur les batailles ou les maréchaux de Napoléon Ier.